Les carences des dossiers d'évaluations des substances pesticides ont pour risque la mise sur le marche de pesticides PE!
Comment sont évaluées et ensuite autorisées les substances actives pesticides ?
Après une série d’aller-retour entre l’industriel, l’Etat membre qui examine le dossier, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), ce sont les représentants des 27 Etats membres qui ont le dernier mot lors d’un vote au sein du « Comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et de l’alimentation animale » (CPVADAA ou Scopaff en anglais). C’est donc en amont de ce vote que nous avons souhaité faire notre analyse et publier ce rapport.
Problématique et méthodologie.
Notre travail s’est concentré particulièrement sur la question de la perturbation thyroïdienne (PT). Nous avons décidé d’expertiser les dossiers de 13 substances actives pesticides qui voient le processus conduisant au renouvellement ou non de leur autorisation sur le marché européen arriver à son terme entre avril et juillet 2021. Dans le rapport publié ce jour nous rendons le résultat de notre travail pour 6[1] de ces 13 substances, les autres expertises seront rendues publiques ultérieurement. Notre travail repose sur l’analyse des Renewal Assesment Reports (RARs) = Rapport d’évaluation pour le renouvellement produits par les états membres rapporteurs pour ces substances actives pesticides. Le travail d’analyse réalisé par des médecins et un expert externe – bien que rendu difficile par une série d’obstacles – a permis de constater de réelles lacunes inquiétantes présentes dans ces dossiers et détaillées dans notre rapport[2].
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[1]Cyprodinil (fongicide autorisé en France en maraichage, grande culture etc.), Fenbuconazole (fongicide autorisé en France notamment en arboriculture et viticulture), Mepanipyrim (fongicide autorisé en France notamment pour la culture de la fraise et en viticulture), Pyrimethanil (fongicide autorisé en France notamment en maraichage), Ziram (fongicide autorisé en France notamment en arboriculture), Spinosad (insecticide autorisé en France en AB, notamment pour le maraichage)
[2]« Perturbateurs endocriniens : il est temps d’agir ! L’exemple des pesticides perturbateurs thyroïdiens » – [Lien de téléchargement]
Ce que nous voulons
Résultats synthétiques de notre travail.
– une procédure d’évaluation défaillante :
Globalement rien n’est mis en œuvre dans ces RAR pour rechercher des troubles spécifiques à une perturbation de l’axe thyroïdien (les dosages hormonaux sont exceptionnels même lors de la gestation, les troubles du neurodéveloppement ne sont pas recherchés selon les lignes directrices mises à jour). Cela dénote une incompréhension totale de la menace que font courir les perturbateurs thyroïdiens sur le neurodéveloppement des fœtus. Enfin la revue de la littérature internationale n’est jamais réalisée de manière exhaustive.
– des tests inadaptés ou inexistants :
concernant les tests OCDE validés, ils ne sont pas conçus pour mettre en évidence des effets de perturbation endocrinienne (effets à faible dose et relations dose-réponse non-monotones qui caractérisent la perturbation hormonale). Le niveau de preuve exigé nécessite que soit apportée la preuve du lien causal entre les effets constatés et un mécanisme d’action endocrinien : or aucun test n’existe pour valider cela !
– le silence de l’EFSA sur les données manquantes :
La Commission européenne a demandé à l’EFSA de réaliser des évaluations supplémentaires, concernant les substances pour lesquelles le renouvellement de l’examen par les pairs était déjà terminé ou largement avancé en octobre 2018, ce qui est le cas des 13 substances dont nous parlons. Mais l’EFSA est restée sourde à nos demandes de renseignements sur les études complémentaires demandées.
– pourtant des signaux d’alerte sont détectables malgré les imperfections de l’évaluation.
Nous avons en effet constaté :
– que toutes ces substances présentent un effet sur l’axe thyroïdien (touchant la glande thyroïde elle-même, mais aucune autre atteinte de l’axe thyroïdien n’est recherchée).
– la plupart ont un ou des mécanismes d’action possible. Ce qui est troublant c’est que le mécanisme le plus souvent mis en évidence est pourtant reconnu par la littérature internationale et même par le document guide de l’ECHA-EFSA pour l’identification des critères PE. Il est cependant écarté pour 9 substances sur les 10 concernées.
– un manque flagrant de test validés permettant de prouver le lien entre ces effets et le mode d’action supposé. Ce qui fait dire au Pr Kortemkamp que « le mandat légal de protection contre les perturbateurs endocriniens et les perturbateurs du système TH ne peut actuellement pas être pleinement réalisé »
– une gestion par les « extensions administratives » et les délais complémentaires accordés aux industriels : certaines substances ont en effet bénéficié de plusieurs années supplémentaires d’accès au marché, au moment où l’EFSA vient d’accorder à toutes 30 mois supplémentaires !
Nos demandes.
Il est de la responsabilité de l’UE de corriger au plus vite cette situation. Par des actions de long terme (comme la modification du CLP) mais aussi plus limitées mais de court terme permettant d’améliorer le niveau de protection des personnes les plus vulnérables. Il s’agit donc d’obtenir :
– la recherche d’effets neuro-développementaux pour toute substance suspecte d’effet perturbateur thyroïdien à partir des signaux identifiés dans les RAR ou les travaux des agences.
– dans le cadre du règlement CLP en renégociation actuellement, la création d’une classe de danger pour les perturbateurs endocriniens permettant d’étendre l’évaluation du caractère PE au-delà des seuls pesticides et biocides. Mais aussi l’adoption d’une classe de PE suspectés, permettant de prendre en compte les signaux d’alerte. Ces points ont depuis longtemps été soutenus par la Stratégie Nationale sur les Perturbateurs Endocriniens.
– la fin des extensions « administratives » cette méthode qui permet dans le plus grand secret de prolonger les autorisations des substances pour lesquelles le dossier d’évaluation n’est pas encore complet. Les substances pour lesquelles des signaux d’alerte sont retrouvés ne devraient plus être homologuées le temps que les études complémentaires soient faites.
– une transparence complète de l’EFSA . Celle-ci doit rendre publiques les données complémentaires exigées des industriels avant le vote des Etats. De même les débats faisant suite aux conclusion de l’état rapporteur, ainsi que le vote des Etats sur les décisions d’homologation doivent aussi être rendus publiques.
L’UE a affiché de grandes ambitions en matière de réduction des usages et des risques liés aux intrants chimiques. Alors qu’elle va assurer la présidence de l’Europe la France a maintenant la possibilité d’agir dans ce sens, notamment dans le domaine des perturbateurs endocriniens. Les parlementaires européens doivent aussi faire avancer ces questions.
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Résultats synthétiques de notre travail.
– une procédure d’évaluation défaillante :
Globalement rien n’est mis en œuvre dans ces RAR pour rechercher des troubles spécifiques à une perturbation de l’axe thyroïdien (les dosages hormonaux sont exceptionnels même lors de la gestation, les troubles du neurodéveloppement ne sont pas recherchés selon les lignes directrices mises à jour). Cela dénote une incompréhension totale de la menace que font courir les perturbateurs thyroïdiens sur le neurodéveloppement des fœtus. Enfin la revue de la littérature internationale n’est jamais réalisée de manière exhaustive.
– des tests inadaptés ou inexistants :
concernant les tests OCDE validés, ils ne sont pas conçus pour mettre en évidence des effets de perturbation endocrinienne (effets à faible dose et relations dose-réponse non-monotones qui caractérisent la perturbation hormonale). Le niveau de preuve exigé nécessite que soit apportée la preuve du lien causal entre les effets constatés et un mécanisme d’action endocrinien : or aucun test n’existe pour valider cela !
– le silence de l’EFSA sur les données manquantes :
La Commission européenne a demandé à l’EFSA de réaliser des évaluations supplémentaires, concernant les substances pour lesquelles le renouvellement de l’examen par les pairs était déjà terminé ou largement avancé en octobre 2018, ce qui est le cas des 13 substances dont nous parlons. Mais l’EFSA est restée sourde à nos demandes de renseignements sur les études complémentaires demandées.
– pourtant des signaux d’alerte sont détectables malgré les imperfections de l’évaluation.
Nous avons en effet constaté :
– que toutes ces substances présentent un effet sur l’axe thyroïdien (touchant la glande thyroïde elle-même, mais aucune autre atteinte de l’axe thyroïdien n’est recherchée).
– la plupart ont un ou des mécanismes d’action possible. Ce qui est troublant c’est que le mécanisme le plus souvent mis en évidence est pourtant reconnu par la littérature internationale et même par le document guide de l’ECHA-EFSA pour l’identification des critères PE. Il est cependant écarté pour 9 substances sur les 10 concernées.
– un manque flagrant de test validés permettant de prouver le lien entre ces effets et le mode d’action supposé. Ce qui fait dire au Pr Kortemkamp que « le mandat légal de protection contre les perturbateurs endocriniens et les perturbateurs du système TH ne peut actuellement pas être pleinement réalisé »
– une gestion par les « extensions administratives » et les délais complémentaires accordés aux industriels : certaines substances ont en effet bénéficié de plusieurs années supplémentaires d’accès au marché, au moment où l’EFSA vient d’accorder à toutes 30 mois supplémentaires !
Nos demandes.
Il est de la responsabilité de l’UE de corriger au plus vite cette situation. Par des actions de long terme (comme la modification du CLP) mais aussi plus limitées mais de court terme permettant d’améliorer le niveau de protection des personnes les plus vulnérables. Il s’agit donc d’obtenir :
– la recherche d’effets neuro-développementaux pour toute substance suspecte d’effet perturbateur thyroïdien à partir des signaux identifiés dans les RAR ou les travaux des agences.
– dans le cadre du règlement CLP en renégociation actuellement, la création d’une classe de danger pour les perturbateurs endocriniens permettant d’étendre l’évaluation du caractère PE au-delà des seuls pesticides et biocides. Mais aussi l’adoption d’une classe de PE suspectés, permettant de prendre en compte les signaux d’alerte. Ces points ont depuis longtemps été soutenus par la Stratégie Nationale sur les Perturbateurs Endocriniens.
– la fin des extensions « administratives » cette méthode qui permet dans le plus grand secret de prolonger les autorisations des substances pour lesquelles le dossier d’évaluation n’est pas encore complet. Les substances pour lesquelles des signaux d’alerte sont retrouvés ne devraient plus être homologuées le temps que les études complémentaires soient faites.
– une transparence complète de l’EFSA . Celle-ci doit rendre publiques les données complémentaires exigées des industriels avant le vote des Etats. De même les débats faisant suite aux conclusion de l’état rapporteur, ainsi que le vote des Etats sur les décisions d’homologation doivent aussi être rendus publiques.
L’UE a affiché de grandes ambitions en matière de réduction des usages et des risques liés aux intrants chimiques. Alors qu’elle va assurer la présidence de l’Europe la France a maintenant la possibilité d’agir dans ce sens, notamment dans le domaine des perturbateurs endocriniens. Les parlementaires européens doivent aussi faire avancer ces questions.