Contexte
Le glyphosate actuellement le pesticide le plus vendu au monde, avec plus de 800 000 tonnes répandues chaque année. Rien qu’en France, 8 800 tonnes de glyphosate ont été vendues en 2017, soit environ un tiers des 27 000 tonnes d’herbicides écoulées dans le pays. Il a pour fonction de « tuer les herbes indésirables » et entre donc dans la catégorie des herbicides.
L’utilisation du glyphosate dans l’UE est actuellement approuvée jusqu’au 15 décembre 2022. Cette autorisation a été donnée après des mois de bagarre et de pression. Grâce au travail des ONG, l’autorisation initialement prévue pour 15 ans, n’a été donné « que » pour 5 ans.
Une nouvelle évaluation a débuté fin 2019. Un groupe de quatre Etats (France, Hongrie, Pays-Bas et Suède) a été missionné pour évaluer les risques liés à l’herbicide et a publié un premier avis en juin 2021[1]. C’est le début du processus dans le cadre duquel la Commission européenne proposera aux Etats-membres de prolonger ou non l’autorisation du glyphosate.
Des consultations publiques (lancées le 24 septembre 2021 pendant 60 jours) par l’EFSA[2] (agence chargée de l’évaluation des risques dans le domaine des denrées alimentaires au sein de l’UE) et l’ECHA[3] (agence qui évalue la dangerosité des substances chimiques) portent sur le rapport d’évaluation du renouvellement (RAR) et sur la classification et l’étiquetage harmonisés (CLH) du glyphosate.
/!\ Les prochaines étapes sont cruciales /!\
Toutes les parties intéressées peuvent présenter leurs observations sur le projet d’évaluation réalisé par le groupe d’évaluation du glyphosate. Les consultations publiques constituent un pilier du système d’évaluation des pesticides dans l’UE. Elles permettent à toutes les parties intéressées d’examiner les travaux menés par les autorités publiques et de contribuer à l’évaluation en communiquant des informations qui seront prises en considération par l’EFSA et l’ECHA.
Nous encourageons quiconque s’intéresse à ce sujet à soumettre toutes nouvelles informations/données/études dans le cadre des consultations publiques. Il incombe à l’EFSA et à l’ECHA d’examiner toutes les observations dans le cadre de la réévaluation scientifique du glyphosate. À l’issue des consultations publiques parallèles, l’ECHA procédera à sa classification du danger du glyphosate selon plusieurs critères – notamment la cancérogénicité, la génotoxicité et la toxicité pour la reproduction et le développement. Cette classification sera utilisée par l’EFSA et les représentants des 27 États membres pour finaliser l’examen par les pairs prévu au second semestre 2022.
Donc ces consultations sont très importantes pour la suite !
Participez aux consultations publiques sur le glyphosate dès le 24/09/2021 et jusqu’au 22/11/2021 ! – Liens disponibles à partir du 24 septembre.
Glyphosate et effet sur la santé
La principale préoccupation pour la santé humaine est un risque accru de développer certains types de cancer. Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’OMS, a classé le glyphosate comme « cancérogène probable » en 2015[4]. Cette décision signifie que les experts ont estimé qu’il y a un degré de certitude élevé que l’herbicide peut engendrer des cancers (effet avéré sur les rats, suspecté sur les humains) – seule la mention « cancérogène certain » se situe au-dessus dans la classification du CIRC. Une telle classification, d’après le Règlement 1107/2009 sur les pesticides, aurait dû exclure le glyphosate du marché mais on le verra ce classement du CIRC et les études académiques ont largement été ignorées au profit des études des industriels pourtant très critiquables.
Une méta analyse indépendante[5] (qui inclut les données de l’ Agricultural Health Study – AHS, mais pas seulement), a conclu que les travailleurs plus exposés aux herbicides contenant du glyphosate auraient un risque de développer un lymphome non hodgkinien (LNH, une forme rare de cancer du sang) accru de 41 %.
Plus récemment en France, les chercheurs ayant travaillé à la mise à jour de l’expertise de l’INSERM[6] sur pesticides et santé publiée le 30 juin 2021 notaient une présomption de lien renforcée pour l’exposition professionnelle et la survenue de ce fameux LNH.
En outre, de plus en plus de chercheurs s’intéressent aux effets perturbateurs endocriniens du glyphosate. Une étude publiée en mars 2019 montre de tels effets de cet herbicide[7].
De nombreuses actions juridiques en cours !
La question des effets du glyphosate sur la santé humaine a été soulevée devant les tribunaux un peu partout dans le monde[8]. Rien qu’aux Etats-Unis, des milliers de procédures ont été intentées contre Monsanto par des personnes (bien souvent des travailleurs agricoles) imputant leur maladie à l’herbicide, ou par leur famille.
Le glyphosate est-il nocif pour l’environnement ?
Le débat sur le glyphosate se focalise souvent sur les enjeux en termes de santé humaine. Mais il faut également considérer les risques environnementaux mis en évidence par des travaux scientifiques :
- Le glyphosate ne serait pas si facilement dégradé et absorbé par les sols que ne le vantent ses promoteurs, avec des conséquences néfastes pour la flore[9] ; Il aurait même comme effet de faire « remonter » à la surface des polluant extrêmement nocif comme le fameux insecticide Chlordécone dont on connait les immenses dégâts provoqués aux Antilles[10]
- Il présenterait des risques pour la faune, notamment les oiseaux sauvages et les abeilles[11] ;
- Il aurait également des effets indésirables sur les sols[12].
Beaucoup de spécialistes considèrent aujourd’hui que ce sont avant tout les effets indirects de l’utilisation du glyphosate sur l’environnement qui posent problème. Par exemple, le fait qu’il détruise les « mauvaises herbes » (c’est sa fonction première) revient à éliminer bon nombre de plantes prisées des insectes pollinisateurs comme les coquelicots ou les bleuets. Cela contribue donc, avant d’autres facteurs, à fragiliser les populations.
Le glyphosate et son produit de dégradation : premier polluant des eaux
Il est important de rappeler également que, contrairement aux arguments promus dans les années 90, le glyphosate persiste longtemps dans l’environnement. On retrouve le glyphosate en moyenne dans une analyse sur deux pour les eaux souterraines (74% des échantillons pour l’AMPA son produit de dégradation)[13].
Pourquoi est-il si difficile de s’informer sur ce sujet ?
Déjà complexe par nature, le débat sur le glyphosate a été pollué depuis des années de différentes manières :
- Des manipulations scientifiques ;
- Des pratiques relevant de la désinformation ;
- Des soupçons de corruption.
L’exemple le plus marquant en la matière, ce sont les moyens déployés par Monsanto, la firme qui commercialise le Roundup, pour défendre bec et ongles son produit, notamment dans le cadre de pratique douteuse de « surveillance »[14]. C’est ce que révèlent les fameux « Monsanto papers ».
Les carences des évaluations : un biais crucial !
Actuellement, nombreux sont les experts et les ONG qui critiquent les processus d’évaluation des pesticides en général et donc du glyphosate en particulier. En effet, il est reproché aux agences sanitaires de donner une place prépondérante aux tests réglementaires confidentiels fournis par les industriels aux autorités. Or, une étude publiée dans la revue Environmental Sciences Europe publiée début 2019 a montré qu’il existait un hiatus entre les résultats de ces tests et les études indépendantes publiées dans la littérature scientifique[15]. Le corpus étudié est celui sur lequel l’Agence américaine de protection de l’environnement s’est fondée pour juger que le glyphosate ne serait pas un cancérogène probable. Or, dans cet ensemble, seuls 2 % des tests des industriels concluaient que le glyphosate était génotoxique (c’est-à-dire qu’il endommage l’ADN), contre 67 % des études indépendantes. Ces données ont récemment été renforcées par une nouvelle étude indépendante publiée début juillet 2021 démontrant que la grande majorité des études règlementaires sur la génotoxicité du glyphosate ne remplissent pas les critères de qualité requis[16][17].
Pire, certains rapports montrent que les études pointant les effets négatifs du glyphosate ont souvent été rejetées de manière injustifiée (non scientifique) lors de l’évaluation[18].
Et les alternatives dans tout ça ?
De nombreux agriculteurs se passent déjà de cet herbicide, notamment les agriculteurs biologiques pour lesquels ces substances sont proscrites.
Alors comment font-ils ?[19]
Les techniques de limitation de la pousse des mauvaises herbes ne manquent pas :
- faux semis
- désherbage mécanique
- désherbage thermique
- engrais verts
- occultation
- solarisation
- paillage
[1] https://www.generations-futures.fr/actualites/re-homologation-glyphosate/
[2] https://www.efsa.europa.eu/fr/topics/topic/glyphosate
[3] https://echa.europa.eu/fr/hot-topics/glyphosate
[4] https://www.generations-futures.fr/actualites/victoire-le-glyphosate-cancerigene/
[5] https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1383574218300887
[6] https://presse.inserm.fr/publication-de-lexpertise-collective-inserm-pesticides-et-effets-sur-la-sante-nouvelles-donnees/43303/
[7] https://www.generations-futures.fr/actualites/glyphosate-nouvelle-etude/
[8] https://justicepesticides.org
[9] https://www.mdpi.com/2305-6304/3/4/462/htm
[10] https://www.generations-futures.fr/actualites/chlordecone-glyphosate/
[11] https://www.lemonde.fr/planete/article/2018/09/27/le-glyphosate-presente-aussi-un-risque-pour-les-abeilles_5360791_3244.html
[12] https://www.soilassociation.org/media/7202/glyphosate-and-soil-health-full-report.pdf
[13] https://www.anses.fr/fr/content/glyphosate-l%E2%80%99anses-fait-le-point-sur-les-donn%C3%A9es-de-surveillance
[14] https://www.generations-futures.fr/actualites/generations-futures-fichee-monsanto-glyphosate/
[15] https://enveurope.springeropen.com/articles/10.1186/s12302-018-0184-7
[16] https://www.generations-futures.fr/actualites/glyphosate-nouvelles-revelations/
[17] Voir aussi https://www.generations-futures.fr/publications/glyphosate-cancer-autorites-infraction-systematique-aux-reglementations/ et https://www.generations-futures.fr/actualites/glyphosate-cancer-autorites-europeennes-infraction-de-leurs-propres-regles/
[18] https://www.generations-futures.fr/publications/rapport-evaluation-glyphosate/
[19] https://reporterre.net/Se-passer-du-glyphosate-C-est-possible et https://www.generations-futures.fr/actualites/glyphosate-alternatives-deja-utilisees-a-travers-leurope/